Face aux accusations de harcèlement ou de violence, le FN a une solution : décrédibiliser la victime présumée

14 Nov 2017 | Revue-de-Presse | 0 commentaires

Créer une affaire dans l’affaire. Ou, plus simplement, décrédibiliser l’émetteur, la personne qui lance les accusations ou le média qui les relaye. Telle est la ligne de conduite suivie par le Front national dès qu’une affaire de viol, d’agression – sexuelle ou non – ou de harcèlement vient éclabousser l’un de ses membres.

Source: Le lab.europe1.fr
L’illustration en est donnée, ce mardi 14 novembre, par Louis Aliot. Invité de Sud Radio, le vice-président du parti, également député des Pyrénées-Orientales, est interrogé sur les accusations formulées par deux anciens assistants parlementaires. Dimanche, dans C Politique  sur France 5, Mickaël Ehrminger et Alexandre Benoît ont affirmé, face caméra, avoir été harcelés sexuellement par un « proche incontournable de Marine Le Pen depuis des années » qui est aujourd’hui député.

     

Louis Aliot est donc questionné sur ces accusations. Le parti « tête haute et mains propres » doit-il lui aussi faire le ménage dans ses rangs ? Voici l’échange :

–          Sud Radio : Les affaires de harcèlement, Louis Aliot, touchent tout le monde, tous les secteurs, y compris les partis politiques. Le FN doit faire le ménage aussi chez lui ?

–          Louis Aliot : Ecoutez, le ménage par rapport à quoi ?

–          Sud Radio : Il paraît qu’il y a des affaires chez vous, qui ont été sorties récemment, de harcèlement.

–          Louis Aliot : Oui j’ai vu que Closer, qui a sorti cette affaire-là [il s’agit en fait d’entretiens diffusés sur France 5, NDLR], a pris pour argent comptant les dires d’un ancien assistant qui lui tweete des choses antisémites en faveur de Soral, etc. J’ai trouvé ça curieux.

–          Sud Radio : Oui, oui.

–          Louis Aliot : En revanche, elle n’a pas sorti ses tweets antisémites. Elle sort cette affaire-là, sur des on-dit, mais elle ne sort pas les tweets de cette personne-là.

Louis Aliot estime qu' »il ne faut pas tomber dans la caricature permanente où les gens s’accusent les uns les autres » et, en même temps, « il faut faciliter le dépôt de plainte des gens qui sont harcelés ».

La technique du député frontiste consiste donc à décrédibiliser la parole de l’une des victimes présumées en l’accusant de tout autre chose, ici d’avoir tenu des propos antisémites sur Twitter. Dans l’esprit du n°2 du FN, les accusations contre un député FN sont donc nulles car l’un des accusateurs aurait publié des messages anti-juifs par le passé. Louis Aliot ne dit cependant rien sur les accusations portées par le deuxième assistant, Mickaël Ehrminger. Sur le fond non plus, et notamment sur les accusations de harcèlement portées contre un député FN, le n°2 du FN ne se prononce pas.

La mise en doute de la crédibilité de l’accusation est régulièrement soulevée en matière de harcèlement, de viol ou d’agression. Et elle a déjà été utilisée au FN, notamment par Marine Le Pen.

Début novembre, Le Monde rapportait le témoignage de deux femmes se disant victimes d’agression de la part de membres du parti d’extrême droite. Il était notamment question d’Aurélie Cournet, conseillère régionale FN d’Île-de-France. Cette dernière accuse son collègue Pierre-Charles Cherrier de violences. « [Il] a voulu me parler, et comme j’ai refusé il m’a forcée à le suivre en m’arrachant des mains mon téléphone portable. Il m’a piégée en m’entraînant jusqu’à l’intérieur de la salle de réunion du conseil régional, où il m’a arraché ma robe puis m’a giflée et m’a ensuite poussée violemment contre le mur où je me suis écroulée par terre », racontait-elle dans un mail adressé à Marine Le Pen le 7 septembre. Selon plusieurs sources, citées par Le Monde fin octobre, Aurélie Cournet a porté plainte contre Pierre-Charles Cherrier.

Interrogée sur ces informations le 5 novembre sur France 3, Marine Le Pen avait trouvé la parade : s’en prendre au quotidien. « J’ai trouvé l’article du Monde profondément scandaleux car, dans deux affaires, en l’occurrence, il ne s’agit pas de harcèlement. On mélange tout. Il s’agit de séparations de deux couples, séparations qui se sont mal passées », avait-elle déclaré.

Deuxième salve. Elle ajoutait :

On ne peut pas quand on est un journal comme Le Monde, porter de telles accusations pour des raisons bassement politiques. Mais peut-être est-ce pour détourner le regard des horreurs que l’on apprend sur l’ancien propriétaire du Monde Pierre Bergé, accusé dans un livre d’avoir autorisé des actes de pédophilie dans sa maison de Marrakech.
 

Ou comment remettre en cause une nouvelle fois une accusation en évoquant un autre fait, une autre affaire, destinée à jeter le trouble sur la crédibilité de l’émetteur ou son transmetteur, ici Le Monde. Marine Le Pen faisait référence au livre Saint-Laurent et moi : une histoire intime  et dont l’auteur, Fabrice Thomas, affirme avoir été l’amant du couturier Yves Saint-Laurent et de son compagnon Pierre Bergé. Il rapporte notamment des scènes d’orgies dans lesquelles des mineurs auraient été impliqués selon lui.

Ou comment, une nouvelle fois, créer une affaire dans l’affaire. 

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