Le billet de Franck Timmermans AKK, SWK et les Paraboles.

25 Mar 2019 | Connexion | 0 commentaires

CONNEXION. La lettre argumentaire PDF, rédigée par Jean-François Touzé et Franck Timmermans.
Non, il ne s’agit pas de l’étude comparative des dernières innovations de l’usine Kalachnikov.   Je vais vous parler d’Annegret Kramp-Karrenbauer (AKK), la nouvelle Présidente de la CDU, le grand parti de « droite chrétienne démocrate » allemande, qui a ainsi succédé à Angela Merkel. C’est en effet Frau AKK qui, début mars, a tenu à répondre à la tribune européenne de Macron sur l’Europe et ses enjeux ; d’emblée la dame a su à la fois s’imposer personnellement comme nouvelle interlocutrice continentale et relancer la stratégie allemande pour conserver un leadership en Europe. Dans sa réponse, elle recadre tout le monde, y compris Angela, car elle replace les Etats-nations au cœur de l’architecture de l’UE ! Un langage nouveau assurément, lisez plutôt : « l’Europe ne pourra pas se construire contre les Etats-nations, mais avec eux ! Le centralisme européen, l’étatisme européen, la communautarisation des dettes, l’européanisation des systèmes de protection sociale et du salaire minimum seraient une mauvaise voie »…. « Aucun super-Etat européen ne saurait prétendre répondre à l’objectif d’une Europe capable d’agir »…etc. Non seulement il s’agit d’une riposte cinglante aux rêves de Jupiter mais on se demande s’il n’y a pas un réel mea-culpa après l’échec de toutes les tentatives pseudo-fédéralistes initiées par Merkel ? Les qualificatifs d’avenir « fédéralisme » et même « confédéralisme », qui masquaient une sorte de colonialisme germanique monétaire et économique sont relégués au placard. Il faut voir là un réajustement d’ampleur à l’échelle des succès des nationalismes et populismes partout en Europe mais aussi des peurs qu’ils inspirent à tous ceux qui portent la grave responsabilité de l’échec de l’Eurocratie. C’est une victoire pour tous les nationaux sur les plans stratégiques et médiatiques, d’autant que AKK ne facilitera pas la tâche de Macron en se positionnant ainsi. Bon signe ! Cela dit, sur le plan de l’immigration et surtout de l’Islam, Frau AKK est moins affûtée comme le dénote son 8e plan : « ...L’une des grandes questions d’avenir est de savoir si l’Europe peut impulser l’émergence d’une forme d’Islam compatible avec nos valeurs. Pour ce faire, nous appuyant sur la tradition des Lumières et de la tolérance, nous devrions créer des Chaires Nathan Le Sage pour former nos propres Imams et nos propres enseignants dans cet esprit »… Qui est ce Nathan le Sage destiné à éclairer les musulmans candidats à promouvoir un Islam occidentalo-compatible ??? Il s’agit du personnage central d’une pièce « parabolique » de l’écrivain Gotthold Lessing (1729-81) inspirée du Décaméron. Celui-ci était protestant allemand, fils de pasteur, et un contempteur virulent du théâtre français auquel il opposa Shakespeare et les œuvres anglo-saxonnes. Ce n’est pas innocent, les choix d’AKK sont ciblés mais s’appuient sur une œuvre qui a très mal vieilli ; et en faire l’emblème de la tolérance religieuse relève d’une grande puérilité ! Voyez plutôt : 

A Jérusalem, pendant la 3e Croisade, le Sultan Saladin accorde la vie sauve à un Templier au motif qu’il lui rappelle son frère Assad (!). Peu après, ce Templier sauve du feu la fille adoptive d’un marchand juif, Nathan. Ce dernier est convoqué par Saladin qui convoite ses biens, mais le marchand lui raconte la parabole de l’Anneau de Dieu censé réconcilier les trois religions monothéistes (fut-ce sur la base d’un mensonge et celle de la tentation. NDLR.). Emu, Saladin devient son ami et Nathan lui prête l’argent dont il a besoin (pour la guerre contre les Francs). Pendant ce temps, le Templier s’est épris de Récha mais son père Nathan est réticent. Alors, une servante apprend au soldat que Récha a été adoptée et que ses parents étaient chrétiens. Le Templier consulte le patriarche de Jérusalem qui condamne cette adoption et réclame réparation ! Mais, coup de théâtre (!), un moine les informe que Recha est en fait la sœur du Templier et que tous deux sont les enfants d’Assad, frère du Sultan, converti au christianisme.

Ouf !!! On peut s’étonner du choix de la Présidente de la CDU car cette pièce est un foutoir caricatural sous des efforts laborieux d’appel à la fraternité ! Ce faisant, Frau AKK risque de déplaire à tout le monde.   240 ans après la création de la pièce, tous les faits historiques liés à l’expansion musulmane ont largement démenti l’image idéalisée que nos libéraux en ont, à moins de réviser effrontément l’Histoire ! (Esclavage, Al Andalous édénique, sagesse, liberté, sciences, etc) . Si un Islam modéré existe bien, il est confiné dans un état marginal comme toute dérive solitaire, tandis que les fondamentaux restent immuables, figés dans un autre temps, mais toujours aussi patiemment conquérants. Une autre politicienne allemande semble l’avoir compris, Frau Sahra Wagenknecht (SWK), la Présidente du Mouvement « Debout » et figure historique de la gauche radicale écolo-marxiste « Die Linke » de son compagnon Oskar Lafontaine. Frau SWK, en se déclarant hostile à l’immigration, a crée un émoi dans toute l’Europe. Comme si cet alter-ego de Mélenchon outre-Rhin avait commis là le pire sacrilège, voire un reniement idéologique. Non, pas vraiment. La Frau SWK est tout aussi opportuniste que sa rivale AKK. Seulement, en Allemagne, si l’on veut vraiment changer de politique migratoire il vaut mieux être de gauche sinon il planera toujours un soupçon de résurgence diabolique sur la droite la plus bête du monde, prompte à endosser toutes les culpabilités. Mais il y a une autre raison : les divisions internes de l’AFD se suffisent à dévitaliser la vraie droite, comme toujours. Et il n’y a pas 36 façons de récupérer un électorat populaire. Frau Le Pen devrait méditer cette captation de programme, véritable parabole du Corbeau et du Renard, surtout à l’heure de la banqueroute probable de son parti résiduel. Car Mélenchon veille. Peut lui chaut, le jour venu, d’être diabolisé par les Bobos, BHL ou le PS. Et Frau Le Pen risque de découvrir, mais un peu tard, qu’avec le fromage, la viande de corbeau convient également à Maître renard.

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