Le billet de Franck Timmermans : Comme neige au soleil…

18 Fév 2019 | Connexion | 0 commentaires

CONNEXION. La lettre argumentaire PDF, rédigée par Jean-François Touzé et Franck Timmermans.
Je commence à penser que cette affaire de Gilets jaunes peut devenir l’échec majeur de Madame Le Pen, et par voie de conséquence encore un rendez-vous manqué pour notre famille politique si tant est que la Dame en ait jamais été une figure de proue. Il y a là, une fois de plus, une puérilité affligeante à la base : comme s’il suffisait de taxer de « populiste » un mouvement social et protestataire pour le récupérer et en engranger les avantages ! Comme si, sondages électoraux à l’appui, il suffisait de faire de la télé pour devenir en juin prochain la Reine de l’Europe ! C’est mal connaître les hommes, l’Histoire et le Système. Et quand l’Histoire vous apporte une opportunité comme celle des GJ, encore faudrait-il être capable de la saisir au vol, d’avoir un puissant appareil politique pour ce faire, de contrôler les évènements, de conseiller les meneurs, de prévenir débordements et infiltrations, de déjouer les provocations. Bien sûr, me direz-vous, on peut aussi ne rien faire du tout et attendre les bénéfices électoraux tant annoncés par les sondages.   Revenons justement sur la fameuse abstraction « populiste ». Qu’est-ce que le populisme en dehors des références politiques américaines du XIXe siècle et du petit dictionnaire des insultes médiatiques ? Le Populisme est une réaction protestataire, une pulsion populaire consécutive à un fait politique ou à une situation sociale. Ce n’est pas, n’en déplaise aux théoriciens de tous poils, une doctrine en soi, un courant politique, une idéologie, pas plus le nom de baptême de l’internationale noire Trumpiste ! C’est un baromètre qui annonce parfois la tempête.   À la limite, ce pourrait être un cache-sexe de l’extrême droite mais je crains que ce soit en France très au-dessus de ses capacités. Prenons un exemple : le ras-le-bol des petits commerçants et artisans pendant la IVe République a provoqué une révolte incarnée par Pierre Poujade. C’était là la phase dite « corporatiste ». Quand le leader syndical a voulu transformer l’essai sur le terrain politique en élargissant discours et champs d’action au Pays tout entier, son mouvement est devenu populiste. Mais à ce stade, il y avait encore du chemin à faire pour synthétiser un mouvement national ou nationaliste à venir ; et même les efforts de JMLP à l’époque n’ont pu parvenir à la prise en compte de certains enjeux. L’inorganisation a fait le reste : le Système d’alors eut tôt fait d’invalider, sous toutes sortes de prétextes confiscatoires, de nombreux députés poujadistes car il lui fallait absolument empêcher cette intrusion, cette nouvelle force incontrôlable élue aux dépens du Cartel républicain installé en France et qui arrosait alors tous les partis, PCF au premier chef. Le groupe poujadiste commença à fondre et d’autres députés inexpérimentés furent vite récupérés par les MRP, SFIO ou CNIP. L’affaire fut rondement menée.   Aujourd’hui, d’où vient le grand mouvement de protestation sociale et populiste ? De partout, ce qui est extrêmement rare sous la Ve République, car nous ne sommes pas passés par la case syndicale ou corporatiste ; les Gilets jaunes ont d’emblée pris et revendiqué une envergure « généraliste ». Une aubaine direz-vous mais aussi un échec cuisant pour les syndicats officiels qui n’ont rien vu venir et qui ont été squeezés pendant toute la fin de 2018. C’est un échec aussi pour la Droite qui est incapable de comprendre et de canaliser l’évènement d’autant plus que les gouvernements qu’elle a dirigés ces dernières années sous Chirac et Sarkozy, sont tenus aussi pour largement responsables des précarités. C’est un échec retentissant pour la Gauche, surtout pour les socialistes qui ne se remettront pas de l’ère Hollande et pour les communistes qui sont une fois de plus dépassés ; Seule la Gauche de Mélenchon et l’extrême gauche trotskiste peuvent récupérer le mouvement. Mais cela leur aurait été très difficile si le principal bénéficiaire des évènements, pour ne pas dire l’inspirateur, en avait été le RN. Or, non seulement celui-ci s’est révélé incapable de canaliser les principaux groupes de Gilets jaunes mais il ne peut même pas les accompagner tant ses effectifs militants sont localement insuffisants ou totalement inaptes par manque de formation. Et c’est la France Insoumise et la CGT qui sur le terrain pactisent avec les GJ. Faute de mieux ou à leur corps défendant ? Mais, le RN a-t-il rédigé un livre blanc de doléances, intervient-il dans tous les débats locaux ? Que font ses élus, ont-ils essayé de porter la contradiction aux Ministres où à Jupiter ? Où sont les affiches et tracts, les permanences, les stands sur marchés ? Madame Le Pen a des problèmes judiciaires et financiers, me direz-vous, elle ne peut pas tout financer, élections européennes et mouvements sociaux. Madame Le Pen n’en est même pas là. Il y a une règle : on ne coure pas deux lièvres à la fois à moins d’avoir préalablement peaufiné, fortifié la maison mère, sa propre organisation et son implantation. Seulement alors, on peut commencer à se diversifier et à infiltrer. Las, le RN, comme le FN, a sacrifié son implantation aux priorités médiatiques de la Dame. Mais elle aurait pu faire illusion, aller elle-même sur le terrain, comme dans l’entre deux tours !   Non, jadis elle s’accorda le « luxe » de refuser toute participation aux Manifs pour Tous et n’apparut sous une forme très décentralisée que dans les manifestations antiterroristes, loin de Paris. En revanche, quand Trump fut élu, la Dame se précipita à la Tour dudit pour faire les 100 pas dans l’attente pathétique d’un rendez-vous.   De flop en flop, le RN est donc un bateau ivre, les autres candidats rêvant toujours d’avoir en face d’eux la Dame pour s’assurer une réélection ou un triomphe au 2e tour. Mais, il y a pire, le Système a aussi profité de la faille pour les élections européennes où le RN était donné archi favori par les sondages sans qu’il eût fait autre chose que promouvoir le jeune Bardella à la tâche ingrate de conduire la liste : la pagaille des Gilets jaunes étant maintenant généralisée, il n’est pas étonnant de voir se constituer une liste « spontanée » des GJ, qu’elle aille jusqu’au bout ou pas, pour ces élections créditée déjà de plus de 10 %, suffisamment pour rétrograder le RN à la 2e ou 3e place ! Ou comment neutraliser un favori quand son encéphalogramme est plat ! La suite, on risque de la connaître, Poujade l’a écrite en son temps. Madame Le Pen doit avoir encore un ego surdimensionné pour ne pas comprendre qu’elle est désormais autant manipulée par le Pouvoir que le sont les GJ par ses provocateurs. Elle n’est ni Jeanne d’Arc ni malheureusement Eva Peron mais elle avait déjà la chance d’avoir un nom. Cela supposait une expérience, une méthode, une ferveur. On ne renie pas l’essentiel sans conséquences. Le RN est désormais sous contrôle politique, médiatique, sondagique, en attendant le judiciaire. Et il n’a aucune liberté de manœuvre ou de décision puisqu’il manque d’argent ! Son arrivée au Pouvoir relève de l’utopie ou du cauchemar. C’est donc fini.   Il est, en conséquence, de plus en plus urgent pour nous de préparer ensemble l’après-gâchis car nul ne le fera à notre place.

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