CONNEXION. La lettre argumentaire PDF, rédigée par Jean-François Touzé et Franck Timmermans.
Mars 1983, le 1er tour des municipales Ă Paris est terminĂ© et la campagne du second est acharnĂ©e. Un ami Ă moi, qui avait Ă©tĂ© tĂŞte de liste FN dans le 18e arrondissement, a l’idĂ©e d’inviter chez lui Alain JuppĂ© pour une rĂ©union de quartier. Par pure curiositĂ©, mais dans le but de savoir s’il mĂ©rite nos suffrages contre le PS. Je lui dĂ©conseille cette idĂ©e, non par rigiditĂ© d’appareil mais parce que « je ne sens dĂ©cidĂ©ment pas ce JuppĂ© ». « On va bien voir ! » me rĂ©pond-t-il, tĂŞtu, et il invite dans cette perspective les militants FN de sa campagne, ses amis, les commerçants du coin. Il appelle le secrĂ©tariat de JuppĂ©, ne cache rien de son pedigree politique et propose une date pour une rĂ©union d’échanges et un apĂ©ritif. JuppĂ© accepte. Le jour dit, j’arrive en avance Ă l’appartement oĂą je retrouve nos amis mais aussi des voisins, un dentiste, un curĂ© en soutane, le boucher du coin, le libraire, plusieurs mères de famille, et quelques couples du quartier, en tout une quarantaine de personnes, un panel assez complet des âges et conditions sociales du tout Montmartre. FlanquĂ© d’un cadre de la Mairie de Paris, JuppĂ© arrive en retard et s’excuse Ă peine. Il reste debout, un peu tendu, dĂ©cline le verre de mousseux et ne se lance mĂŞme pas dans le serrage des mains habituel. Il va dĂ©clarer alors mots pour mots « Bonjour Ă tous, pardonnez mon retard mais j’avais une rĂ©union de quartier qui a traĂ®né… Merci Ă notre ami pour son invitation. Vous connaissez les enjeux de ce 2e tour, c’est important. Je vous prĂ©viens tout de suite, je ne suis pas nazi… Mais ceux qui souhaiteraient participer Ă ma campagne du 2e tour peuvent s’adresser Ă mon adjoint M. Y qui va rester un moment avec vous. Il est Ă votre disposition. Je suis dĂ©solĂ© mais je dois partir, l’emploi du temps est chargĂ©, vous vous en doutez, et j’ai d’autres rĂ©unions sur le feu. Au revoir ». Les gens Ă©taient sidĂ©rĂ©s et sans voix. Puis ce fut le brouhaha, « c’est honteux ! C’est ça JuppĂ© ??? ». L’adjoint du candidat ne resta pas longtemps et mon ami lui fit part de son indignation sur le palier. JuppĂ© considĂ©rait comme « nazis » les gens du FN en gĂ©nĂ©ral et ceux qui l’avaient invitĂ© mais, pour autant, il ne refusait pas leur invitation ni leur aide militante Ă condition que ce fĂ»t organisĂ© par un intermĂ©diaire. Discuter politique, mieux connaĂ®tre les gens, Ă©couter leurs questions ? Totalement inutile puisqu’ils sont « rĂ©putĂ©s » nazis. L’hypocrisie des chiraquiens, nous l’avons bien connue aussi, surtout quand les Ă©lus rĂ©gionaux RPR venaient s’épancher Ă la buvette en surenchères racistes tout Ă fait malvenues puisque leurs patrons Ă©taient directement responsables du Regroupement familial et leurs amis du CNPF de l’embauche de travailleurs immigrĂ©s Ă prix cassĂ©s. Leurs clins d’œil, leurs confidences Ă©taient pitoyables. Que dire aujourd’hui de la reconversion inverse et spectaculaire de Jacques Toubon ? Lui aussi ose tout ! Mais surtout dans la discipline olympique du tout-reniement. Il est vrai que la mission Ă lui confiĂ©e par Hollande en 2014 beurre les Ă©pinards et qu’il a, grâce Ă la Gauche, rattrapĂ© tous ses copains dans les promotions. ÉvaluĂ©s entre 21 000 et 30 000 euros mensuels, ses appointements justifient le zèle qu’il met Ă pourfendre les Ă©carts de la Police, le machisme, le racisme (sauf anti-français), l’anti-islamisme, l’antisĂ©mitisme, l’état d’urgence etc. L’explication d’un tel revirement ? Sans doute, disent-ils Ă Gauche, le besoin de rĂ©demption (!) après ses outrances du passĂ©. Comme tout Chiraquien, il en commit effectivement sous le prĂ©texte de vouloir contenir le FN ; dans les annĂ©es 80, il prononça mĂŞme un discours en partie en dialecte africain histoire d’en rajouter sur les « odeurs » des citĂ©s si incommodantes pour son Patron… Humour pitoyable, humour RPR. En 87, devant les Clubs Avenir et LibertĂ©, il condamna les « contraintes mises en place par 40 ans de sociale-dĂ©mocratie » !!! Autant dire que De Gaulle, Mollet, Coty, Blum, Herriot et mĂŞme Lebrun devaient se retourner dans leurs tombes ! Mais qu’importe le GĂ©nĂ©ral, il fallait rivaliser avec les populistes !!! Depuis que Chirac a avalisĂ© l’Acte Unique EuropĂ©en en 1984 et sans cesse mis ses pas dans ceux de la Gauche radsoc, sans oublier sa brillante réélection en 2002 devant une marĂ©e de drapeaux algĂ©riens reconnaissants, lui et sa bande auront trahi leurs Ă©lecteurs pendant plus de 40 ans et Ă contribuĂ© largement Ă dĂ©goĂ»ter l’ensemble des citoyens de la vie politique. De celle-ci, il a fait un « milieu » oĂą l’opportunisme, le mensonge, les coups tordus et la corruption forment le modus operandi. De l’Appel de Cochin en 1978 il ne reste rien si ce n’est son exacte antithèse dans tous les actes du grand Patron pendant 25 ans. Y compris quand il s’agit de diaboliser Le Pen de 83 Ă 88, puis de le rencontrer en catimini entre les deux tours de l’élection prĂ©sidentielle de 1988 pour tenter d’obtenir un soutien indirect, moins de 8 mois après le « DĂ©tail » ??? Pour comprendre la chiraquie jusque dans ses soubresauts, il suffit d’attendre les consĂ©quences du mensonge ou du reniement. JuppĂ© savonne la planche de son propre camp depuis plusieurs annĂ©es ? Sincère car tout le monde le croit indĂ©fectible Ă Bordeaux Il suffit que la rĂ©compense tombe, bingo, et tout le monde croira aussi qu’il a bien pesĂ© en conscience le poids de son ancienne condamnation avant d’accepter de siĂ©ger au Conseil constitutionnel. Foutaises, hypocrisie, tartufferie !!! En attendant un fauteuil similaire de Sage ou de Juste, Toubon soigne son image de marque, retourne toutes ses vestes et palpe. Leur sincĂ©ritĂ© n’existe pas, seul leur intĂ©rĂŞt personnel subsiste. Sarkozy a beau traĂ®ner derrière lui une quantitĂ© de casseroles dignes des cuisines de Chambord, il n’aura de cesse de crier Ă chaque fois son innocence, comme Tapie la sienne, car ces gens-lĂ ont pour seule devise de survie de n’avouer jamais. Insatiable, l’ancien Maire de Neuilly n’écarte pas non plus l’idĂ©e de se reprĂ©senter, sans mĂŞme passer comme Hollande par la case « mĂ©moires best-seller ». Un comble. Enfin, Raffarin, dont vous pourriez vous inquiĂ©ter du sort, va bien. Ses Ă©checs au SĂ©nat sont cicatrisĂ©s. Il n’a de cesse de donner des leçons de morale (Ă Wauquiez surtout), il a pour Ă©tendard lui aussi les Droits de l’Homme et pour leitmotiv « l’Humanisme » qu’il prononce toujours avec componction comme un ArchevĂŞque devant une dinde rĂ´tie. Et oĂą croyez-vous qu’il mène ses affaires et reconversions ? Dans le pays par excellence des Droits de l’Homme et de l’humanisme, la Chine populaire Ă©videmment oĂą il se rend très souvent avec dĂ©sintĂ©ressement et sacrifice de sa personne, comme Chirac le fit de son cĂ´tĂ© pour le Japon oĂą il se rendit 5 fois plus souvent que notre ami Gollnisch pendant des annĂ©es pour l’amour du sumo !!! Mais n’était-ce pas aux frais du contribuable ? Je vous le disais, les Chiraquiens ont tous la mĂŞme trame mais pas au point d’être « impayables ».
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