Le billet de Franck Timmermans : Macron, une leçon de pouvoir et de manipulation

27 Mai 2019 | Connexion | 0 commentaires

CONNEXION. La lettre argumentaire PDF, rédigée par Jean-François Touzé et Franck Timmermans.
À moins d’un rebondissement social, le chapitre des Gilets jaunes sera bientôt clos. Il aura été très instructif, formateur même. Un moment décontenancé par l’ampleur du soulèvement à ses débuts, le Pouvoir jupitérien aura réussi à reprendre la main dans tous les domaines. Une grande leçon de machiavélisme et de cynisme ! Le ras-le-bol de manifestants inorganisés a très tôt dégénéré en saccages, ce qui est très banal dans le cadre d’une jacquerie. Faute de direction politique et stratégique, les révoltés se sont mis à dos les classes moyennes des grandes villes ; et la droite molle n’a pas tardé à lâcher les manifestants. Puis sont venus les prédateurs attirés par la casse et manipulés par des officines expertes ; les blacks-block ont fait le job et ont donné au Pouvoir une légitimité répressive. L’absence sérieuse de toute arrestation en amont des manifestations indique une volonté de pourrissement et d’escalade. Ce fut donc au détriment principal des Gilets jaunes, et non des racailles en noir, comme prévu. La répression fut importante, voire disproportionnée : il faut remonter à 70 ans pour assister à un tel zèle. Déjà, en 1948, c’est un gouvernement hétéroclite Radical-MRP et SFIO qui doit réprimer une révolte des mineurs. Il faudra seulement 2 mois au ministre socialiste Jules Moch pour rétablir l’ordre. Les fusils sont chargés à balles réelles et tirent après sommation, c’est l’époque de l’emploi généralisé des gaz lacrymogène, c’est aussi le lancement du slogan « CRS = SS », 20 ans avant mai 1968 ! Le Premier Ministre est Henri Queuille, son bras droit un certain Mitterrand qui ne condamnera à aucun moment les violences policières. Le Ministre du Travail est le socialiste Daniel Mayer, qui deviendra en 1958 Président de la Ligue des Droits de l’Homme, vous ne rêvez pas ! Et l’adjoint de Jules Moch est un certain Raymond Marcellin du CNI, qui officiera aussi en 1968, puis plus tard. Le bilan est lourd : 7 morts, près de 3000 arrestations, 1073 prisons fermes, des milliers de licenciements. Ni la CGT ni le PC ne seront dissous, trop utiles au Régime comme épouvantails de service. Mais ils n’étaient pas seuls, les travailleurs chrétiens étaient aussi en révolte. Le scenario n’est pas très différent en 2019. Certes la France n’a plus de mineurs (et pour cause, merci la CEE !) mais la détresse des gueules blanches a pris le relais. Grâce au zèle d’un Ministre ex-socialiste lui aussi, M. Castaner, on dénombre une quinzaine de morts (dues il est vrai parfois à des « accidents » sur les ronds-points) mais surtout 23 éborgnés à cause des grenades de « dés-encerclement » tirées au visage sur ordre, 4 mains arrachées, 160 blessures à la tête. La Justice est également expéditive car pour une fois l’État doit donner la leçon ! Pour autant, il faut dévier les projecteurs de l’aspect répressif et Macron lance ensuite le « grand débat » qui sera le grand déballage de ses one-man shows. Quel talent ! Sous le couvert de la concertation, il va réussir à imposer un menu unique non sans avoir réussi le tour de force d’en éliminer le plat principal : l’immigration ! Dès janvier 2019, les remontées des mécontentements attestaient de la réelle prééminence du sujet, confirmée par les révélations des fonctionnaires de l’Élysée (VA 17/01/19), au point d’en alarmer le Président. Celui-ci a besoin lui aussi d’un épouvantail (!) pour se faire réélire, la Marinagrobis de Nanterre, mais pas au risque de lui servir les Gilets jaunes sur un plateau ! Il faut donc désamorcer le sujet de l’immigration et enfumer le débat sur d’autres thèmes : la planète en danger, un peu de social, un zest de fiscal et basta ! Il préfère encore refiler la patate jaune et chaude à la CGT et à l’extrême-gauche qui savent parfaitement absorber et dissoudre les jacqueries populistes. Durant plusieurs mois, il s’emploiera donc à animer des « débats » et à diviser les GJ, à accentuer leur impopularité, et à les dissocier du RN. Pas compliqué, Madame Le Pen est incapable de toute façon de récupérer quoique ce soit comme ce fut le cas en 2012 avec la Manif pour tous. Fifille veut la vedette, dont acte.   En mai 2019, les résultats de cette politique confiscatoire, répressive et récupératrice est éloquent : le Mouvement des Gilets jaunes est dévitalisé complètement, ses éléments les plus tenaces sont récupérés par les manifs de la CGT et le RN occupe une place de premier plan suffisante pour réserver à Fraü Le Pen sa place au 2e tour et assurer la réélection de Jupiter. Tout le reste n’est que comédie ! Macron incarne désormais à lui seul le Front républicain tant ses détracteurs, à droite comme à gauche, ont été, pour ce faire, divisés et marginalisés. Les velléités de Hollandouille à vouloir se représenter en 2022 n’en sont que plus affligeantes dans ce concert de dupes où ne manque plus que le retour de Sarkozy ! Mais c’est l’utilisation de Marine Le Pen qui est la plus brillante. Patronne incompétente et omnipotente d’un mouvement fantomatique dont les résultats électoraux se virtualisent au fil des années, l’ectoplasme de l’ancien FN est non seulement incapable de prendre ou de garder le pouvoir mais est aujourd’hui privé de son autonomie financière et politique. Réduit au rôle de marionnette faute de moyens et en sursis judiciaire continuel, il se trouvera demain en danger de mort même si ses résultats du 26 juin sont bons ! Quand Macron sera réélu en 2022, il ne lui restera plus qu’à laisser la Justice faire son travail et même Steve Bannon ne pourra rien faire contre l’atavisme familial ni contre les infractions commises. Il faudrait un miracle pour que Bardella, Marion ou Mariani imposent au RN un sursaut, un recadrage. Comme disait le Président historique « Comment feront-ils demain ce qu’ils n’ont pas su faire hier ? » et, devrions-nous ajouter, « et surtout avec aux pieds le boulet tutélaire » ? Pour le reste, cette jacquerie nous aura confirmé que les Ministres socialistes de l’Intérieur seront toujours les plus répressifs de l’Histoire. Jules Moch, Mitterrand, Castaner mais aussi Valls dont personne n’a oublié les ordres scandaleux contre la Manif pour tous ! Nous avons aussi pu mesurer le légitimisme des dirigeants des forces de l’ordre. Légitimisme au Régime, pas aux détresses citoyennes. Quand les évènements enclencheront la Grande Partition annoncée par Hollande, les Français seront bien seuls à défendre leurs terres. On comprend mieux maintenant pourquoi le Chef d’État-Major De Villiers était devenu trop gênant.

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