Mer d’Oman : le pire n’est pas toujours sûr. Mais…

24 Juin 2019 | Connexion | 0 commentaires

CONNEXION. La lettre argumentaire PDF, rédigée par Jean-François Touzé et Franck Timmermans.
Le bras de fer engagé depuis la dénonciation, il y a tout juste un an, par Donald Trump de l’accord sur le nucléaire iranien et les sanctions imposées par Washington contre Téhéran, sanctions auxquelles l’Europe fut sommée de se conformer, se poursuit, entraînant d’un côté comme de l’autre, provocations, menaces et démonstrations de force. Dans ces conditions, une attaque américaine est-elle inévitable et l’actuelle agitation en mer d’Oman conduit-elle inéluctablement à un conflit, celui-ci débouchant alors sur un nouveau choc pétrolier ? Le pire n’est pas toujours certain. D’abord parce que Donald Trump lui-même ne souhaite pas engager les États-Unis dans un conflit aux retombées incertaines. Les tensions actuelles reposent, en effet, pour beaucoup sur la volonté du Président américain de satisfaire son opinion publique au moment où il prépare sa réélection. Le régime de Téhéran, quant à lui, s’il ne cache pas ses ambitions régionales et si les rapports de force internes à la République islamique d’Iran poussent à l’affichage de la radicalité, sait qu’il ne peut se permettre une guerre qui serait, pour le pays comme pour ses dirigeants, ravageuse. Pour autant, des forces centrifuges sont à l’œuvre, de l’Arabie saoudite, ennemie jurée de l’Iran à l’État d’Israël (même si la plupart des généraux de Tsahal demeurent prudents) pour qui l’hypothèse d’un programme nucléaire iranien est inacceptable, en passant, en Iran même, par les Gardiens de la Révolution tentés par la fuite en avant. Ces forces conjuguées poussent au conflit, attisent les braises et créent les conditions d’une mécanique des forces, engrenage qui peut s’avérer incontrôlable. Mais c’est de l’intérieur du système américain que vient le vrai danger.   En octobre 1961, à l’occasion de son discours de fin de mandat, le président américain Dwight D. Eisenhower mettait clairement en garde son pays sur l’influence grandissante d’un « complexe militaro-industriel ».  Ce terme nouveau à l’époque allait faire florès et montrer qu’il recouvrait bien une réalité menaçante parce qu’établie sur la seule recherche de la préservation d’intérêts puissants, déliés de ceux du peuple américain et agissant indépendamment de l’Administration US. De l’engagement total de Lyndon Johnson dans la guerre du Vietnam aux deux guerres d’Irak menés sous les présidences Bush, cette entité a su prendre les manettes chaque fois que l’occasion se présentait et que la nécessité l’exigeait. La politique américaine étant ce qu’elle est et son financement étant grandement tributaire des grands donateurs et donc des grands lobbies de l’armement, ces derniers disposent à Washington d’une influence considérable dont les néo-conservateurs – hier Dick Cheney, Paul Wolfowitz ou Donald Rumsfeld, aujourd’hui John Bolton, l’influent et omni présent Conseiller à la Sécurité nationale – se sont fait les sinistres interprètes. Les vieilles recettes étant toujours reprises, la présentation la semaine passée par les États Unis de photos censées prouver l’implication de l’Iran dans les sabotages de pétrolier en mer d’Oman n’est pas sans rappeler l’intervention devant l’ONU en février 2003 de Colin Powell, alors Secrétaire d’État, fournissant les « preuves » de l’existence d’armes de destruction massive détenues par l’Irak, prétexte à la seconde guerre du Golfe. Malgré sa prudence, Donald Trump qui vient d’entrer en campagne pour un second mandat, peut succomber à ces sirènes de la mort. Comme l’écrivait vendredi dernier dans une remarquable analyse de décryptage publiée par le site Atlantico, le géopoliticien Roland Lombardi, docteur en Histoire et spécialiste du Proche Orient : «Reste juste à savoir, dans ce contexte extrêmement tendu, comment et combien de temps, Trump arrivera à éviter l’irréparable tout en maintenant ses menaces ». Quant à l’Europe dont le rôle, si elle existait en tant que puissance, serait crucial en termes d’intermédiaire dans une perspective d’apaisement, son silence est assourdissant.

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